Colette Magny (1926-1997), colère géante

Colette Magny à Paris, en mars 1989. ©Getty -  Michel BARET
Colette Magny à Paris, en mars 1989. ©Getty - Michel BARET
Colette Magny à Paris, en mars 1989. ©Getty - Michel BARET
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Chanteuse et compositrice éclipsée des mémoires, la voix jugée trop provocante de Colette Magny fut longtemps bannie des ondes.

Vingt ans après sa disparition, c’est par les rappeurs français que son héritage refait surface. Figure de la contestation politique, Colette Magny laisse une œuvre complexe et foisonnante.

Chez Magny, le sujet se veut aussi révolutionnaire que la forme, elle explore le répertoire afro-américain et le free jazz, met en chanson des textes poétiques, élabore des collages sonores et crée la forme des « enquêtes », chansons d’actualité où elle crie la vie des opprimés. 

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Véritables documents historiques et poétiques, on entend dans ses textes l’histoire des luttes des années 1960 aux années 1990 :  de la révolution cubaine à mai 68, de la guerre du Vietnam aux combats des Black Panthers, des luttes ouvrières au péril écologique.

Pochette du disque "Répression" de Colette Magny sorti en 1972
Pochette du disque "Répression" de Colette Magny sorti en 1972
- Le Chant du monde

Il s’exprime dans le chant de Colette Magny une "colère géante", une ardeur et une rage créatrices qui l’animeront jusqu’à la fin de sa vie. 

Je suis pure comme un diamant ! Je n’ai fait que ce que je voulais ! Moi, je ne veux pas avoir les mains sales. Archive émission "A tout cœur" Colette Magny 1986

La vie artistique de Colette Magny commence tardivement.  Alors secrétaire dactylo bilingue pour l’OCDE et gênée par une obésité précoce, Colette Magny a 36 ans lorsqu’elle démissionne et commence à chanter professionnellement.

Archive INA : Mama Béa. La démarche de Colette Magny. France Culture. Emission "Chanson Boum" 28/10/2012

1 min

Elle trouve dans le jazz et le répertoire des chanteuses noires américaines la possibilité de mettre en valeur sa voix.

Entourée de nombreux musiciens de jazz, elle fait ses premières scènes au Cabaret de la Contrescarpe. Son passage au Petit Conservatoire de Mireille lui donne une fulgurante notoriété et en 1963, le succès de sa chanson Melocoton la propulse au hit-parade.

Pochette du disque 45 tours 'Melocoton', de Colette Magny, sorti en 1963.
Pochette du disque 45 tours 'Melocoton', de Colette Magny, sorti en 1963.
- Disques Versailles

L’industrie musicale s’en empare et elle se retrouve à l’Olympia pour la première partie de Sylvie Vartan.

Mais Colette se méfie et refuse d’être enfermée dans un répertoire dans lequel elle ne se retrouve pas.  Elle ne sera ni une idole yéyé, ni  l’"Ella Fitzgerald blanche", comme aiment à l'appeler les journalistes. Elle clame haut et fort son indépendance et souhaite écrire des textes politiques pour donner une voix à ceux qui n’en n’ont pas. Son éveil politique est provoqué par la Guerre d’Algérie et un violent affrontement survenu devant son domicile.

Dès lors, elle soutient les luttes anticolonialistes et fait de sa voix un cri en faveur des indépendances.

Sur scène, ses douleurs restaient en coulisse Anne-Marie Fijal 

Elle prête d’abord sa voix aux textes poétiques français et met en chanson Victor Hugo, Arthur Rimbaud, Rainer Maria Rilke, Louis Aragon ou Antonio Machado.

Archive INA : Portrait d'un mélomane. France Musique. Emission "A portée de mots" 14/11/2007

2 min

Dès 1965, elle lance « Choisis ton opium » et place ses espoirs politiques dans la révolution cubaine. Deux ans plus tard, la guerre du Vietnam renforce son engagement. Magny s’éloigne de la structure traditionnelle du couplet-refrain et s’aventure vers l’expérimental : elle alterne le chant, le texte parlé et le cri.

L’artiste n’essaye pas de séduire, elle travaille sur les mots mais aussi sur la forme qu’elle veut changeante et révolutionnaire. Sa maison de disques américaine, CBS, accueille mal cette œuvre politique et les médias choisissent de l’ignorer. On raconte que les dirigeants de l’ORTF rayaient ses disques pour s’assurer qu’ils ne soient pas diffusés.

Colette Magny à Paris en mars 1989
Colette Magny à Paris en mars 1989
© Getty - Michel BARET

Accueillie à Chant du Monde, un label proche du Parti communiste, elle y produit une œuvre hors norme puisant autant dans le free-jazz que dans la musique classique. Elle eut une audience considérable dans les milieux militants, aimant se produire à la fête de l’Humanité, à la fête du PSU, dans les Maisons des jeunes et de la culture et dans les usines en grève.

Elle se produit régulièrement au Théâtre de la Ville jusque dans les années 1990, et sort un album d’inédits en 1991 où elle pousse encore plus loin son expérimentation musicale avec des textes slamés et rappés où elle évoque le péril écologique.

Elle chante jusqu’à la fin de sa vie et poursuit son engagement militant au sein de l’association culturelle Act’2. 

Avec Périne Magny-Lecoy, nièce de Colette Magny ; Rocé, rappeur, Anne-Marie Fijal, pianiste et compositrice, collaboratrice de Colette Magny ; Sylvie Vadureau, auteure de la biographie Colette Magny Citoyenne-blues ; Jacques Vassal, journaliste et biographe musical. 

Merci à Périne Magny pour la diffusion des inédits des concerts de Colette Magny au Café de la danse en 1989 et à l’Olympia en 1974. 

Un documentaire de Hannah Barron, réalisé par Vincent Decque. Documentation et recherche internet : Annelise Signoret ;  Archives INA : Arnaud Plançon ; Collaboration : Maud Jussaume.

Discographie sélective

1963 : Melocoton, CBS

1964 : Frappe ton cœur, Le chant du monde

1967 : Vietnam 67, Le chant du monde

1968 : Magny 68-69, Le chant du monde

1970 : Feu et Rythme (Grand prix de l’Académie Charles Cros) Le chant du monde

1972 : Répression, Le chant du monde

1974 : Transit, Le chant du monde

1976 : Visage-Village, Le chant du monde

1984 : Chansons pour Titine, Le chant du monde

1989 : Kevork ou le Délit d’errance, Production Colette Magny

1991 : Inedits 91, Production Colette Magny

Anthologies 

Colette Magny 1958-1997, Sony 

Pour aller plus loin...

Colette Magny, Citoyenne-blues, En Garde ! Editions, Sylvie Vadureau et préface de Rocé. 

La chanson politique de Colette Magny, film de Yves-Marie Mahé, 2017. 

Blog d’ archives dédié à Colette Magny

Anthologie "Par les damné.e.s de la terre. Des voix des luttes 1968-1988", label Hors cadres

Site internet de Anne-Marie Fijal

Morceaux diffusés dans l’émission : 

La pieuvre, 1969
The Meeting, 1990
Nobody knows when your down and out, 1963
Le Mal de Vivre, 1964
Melocoton, 1963
Love Me tender, 1963
Je suis majeure, 1963
Co-opération, 1963
Choisis ton opium, 1963
Nous sommes le pouvoir, 1969
Chronique du Nord, 1972
My Man/Titine, 1984
Quand j'étais gamine, 1989
Ras la trompe, 1984
Les Tuileries, 1964
Strange Fruit, 1991
Répression, 1972

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