Dans l'air du temps

Germaine Sablon, "un cœur qui chante" et une âme qui résiste

© Keystone-France / Gamma-Rapho via Getty Images

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Par Réal Siellez

Dans sa chronique Dans l’air du temps, Réal Siellez rappelle à notre mémoire une interprète de l’entre-deux-guerres, une chanteuse qui rassemblait tous les critères pour passer totalement inaperçue… Et pourtant.

Du statut de fille de à celui d’interprète à part entière

Germaine Sablon est la fille de Charles Sablon, compositeur de chanson française bien connu de l’époque, notamment de la chanson de Craonne… Germaine est également la sœur de Marcel Sablon, directeur des ballets de Monte Carlo et de Jean Sablon, lèbre chanteur star qui a révolutionné l’interprétation de chanson en Europe, en étant le premier interprète en Europe à chanter au micro en live. Et enfin pour compléter le carré, elle a été pendant de longues années la compagne de l’écrivain Joseph Kessel. Elle additionnait donc les titres de fille de, sœur de et épouse de.

Et pourtant, c’est une interprète à part entière qui prendra part à l’histoire.

Elle débute à 18 ans en campant divers seconds rôles dans des opérettes, avant de prendre le tournant du cinéma parlant et chantant. Après quelques films, elle se retire pour donner naissance à ses deux fils, avant de revenir sur le devant de la scène dans les années 20, avec un pied dans le music-hall et l’autre dans le cinéma.

Pour l’époque, Germaine Sablon marque par sa voix moins perchée que ses comparses, à l’égal des Suzy Solidor ou Léo Marjane, mais aussi par son répertoire, qui est radicalement réaliste.

Germaine Sablon, résistante

Durant l’hiver 39-40, Germaine chante pour les soldats de la ligne Maginot et dès 1940, elle descend dans le Midi, chez sa mère où elle hébergera Joseph Kessel et son neveu Maurice Druon. Elle organise pour le réseau d’évasion "Hugo" le départ et l’embarquement nocturne d’officiers français, polonais, et alliés à destination de Londres et de Gibraltar.

Son groupe démantelé, elle se rend en novembre 1942 à Barcelone à pied, afin de gagner le Portugal pour rallier de Gaulle à Londres le 6 février 1943.

Un soir de mai, accompagnée de Kessel et Druon, elle se rend au club français Saint James Park, ils y entendent "Guérilla Song" en Russe interprété et joué par la compositrice Anna Marly qui s’accompagne en tapant sur le bois de sa guitare et en grattant les cordes.

Inspirés par l’air qu’ils viennent d’entendre, Kessel et son neveu lui trouvent des paroles en français, Germaine transpose dans la nuit la chanson dans un petit carnet et l’enregistre dès le lendemain.

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Germaine Sablon chante la résistance

Germaine Sablon est la créatrice en français du "Chant des partisans" qui devient l’hymne de la résistance dans toute la francophonie.

La chanson est scandée avec rage, les "r" roulent, la mâchoire est serrée. C’est une exhortation à dépasser la peur, c’est un air destiné à passer lui-même de groupe en groupe, à être chanté ensemble, elle y met l’énergie du ventre. Cocteau dira d’elle qu’elle est "un cœur qui chante".

Elle fait bien plus que chanter la résistance, elle l’incarne puisqu’on la retrouve au front, avec Pierre Dac, correspondant de guerre pendant quelques mois dans un village des Vosges fraîchement libéré, on n’y retrouve non pas une Sablon chanteuse, mais une infirmière…

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